Sociologie

L’amour d’une famille d’accueil ne se dose pas comme du lait maternel: Trois semaines et un jour, le docu émotions !

Cette semaine, j’ai regardé deux documentaires de grande qualité sur France tv : La réparation dans l’émission Infrarouge qui retraçait le parcours d’un groupe de parole de justice réparative. La réalité de la fiction chef-d’oeuvre Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry.

Mais aussi le documentaire de Laetitia Gaudin- Le Puil : Trois semaines et un jour qui m’a beaucoup émue. J’ai même pleuré deux fois au cours de ce documentaire d’une heure.

Il se trouve que ce documentaire a été mis en valeur dans les pages Espérance du journal La vie, où je travaille. Véronique Durand, journaliste est allée à la rencontre de cette famille unie dont la réalisatrice est la fille ainée.

Le résumé :

Yona avait trois semaines et un jour quand elle a été placée chez Maryvonne, assistante familiale à Lanvénégen, petite commune du Centre-Bretagne. Le bébé est devenu une jeune fille bien dans ses pompes, portée par l’amour et le soutien de sa famille d’accueil. Si ceux qu’elle appelle Tata et Tonton sont comme ses parents, elle a aussi une maman… et un papa auquel elle se heurte, armée d’un sens inné de la répartie. Mais à l’aube de sa vie d’adulte, Tonton tombe malade. Yona va alors prendre soin de lui comme il a pris soin d’elle vingt ans plus tôt.

Je suis sensible à ces belles histoires de familles d’accueil car j’aime énormément les récits où les liens affectifs se créent malgré les circonstances, les manques de moyens. On suit Yona qui a une vingtaine d’années. Elle est apaisée par l’équilibre qu’elle a pu mettre en place car elle est entourée d’adultes intelligents.

Elle discute de ses projets d’avenir avec ses deux copines. On la voit tour à tour avec sa famille d’accueil qui se réjouit avec elle de ses bons résultats scolaires, puis elle est dans sa famille biologique en compagnie de son père et de ses tantes qui lui tressent les cheveux. De ce parcours de vie un peu particulier, elle tire une conclusion philosophique : « j’ai beaucoup de monde dans mon arbre généalogique ». Elle est arrivée à concilier ses origines et ses parents d’adoption.

Ce documentaire ne parle pas seulement des placements d’enfants en familles d’accueil. Il traite aussi de la maladie de Charcot dont souffre Tonton et dont il va succomber en octobre 2023.

Yona va ainsi devenir une aidante avec Maryvonne. Ce n’est pas un renvoi d’ascenseur, c’est de la réciprocité. Je vous invite à regarder le documentaire formidable de Stéphanie Pillonca : Invincible été avec Olivier Goy.

Le documentaire se termine par une visite chez le notaire ou la juge des affaires familiales, je n’ai pas bien saisi. Maryvonne et Yona s’y rendent ensemble pour finaliser l’adoption de Yona.

Je trouve que la protection de l’enfance n’est pas assez subventionnée en France mais que le droit français est bien fait. Il permet à la personne adoptée de faire entrer dans sa généalogie ses parents adoptifs sans oublier ses parents biologiques.

J’ai été vraiment émue par la complicité entre Yona et son assistante familiale Maryvonne Herpe qu’elle appelle Tata. Seulement, 5% des enfants placés en famille d’accueil obtiennent le baccalauréat (dont Yona qui fait des études supérieures d’infirmière). On les catalogue vite comme cas sociaux car ils vivent des parcours de vie chaotiques.

Yona a été ballotée de ville en ville quand il a été décidé qu’elle retournerait vivre chez son père entre 10 ans et 14 ans. Alors qu’ils sont d’autant plus méritants qu’ils s’accrochent à leurs rêves. Et que des adultes les aiment au point de croire en eux et de les valoriser.

France 3 a longtemps diffusé une série familiale formidable Famille d’accueil avec Virginie Lemoine. Elle racontait une famille qui accueillait temporairement des enfants placés par l’ASE et comment l’assistante familiale conjuguait son métier avec l’éducation de ses propres enfants, comment ses supérieurs l’encadraient dans son travail en fonction des règlements de lois…

Cela me rappelle un très beau témoignage que j’ai lu : La petite fille à la balançoire de Frédérique Bedos, éditions Les arènes. C’est l’histoire d’une petite fille métisse qui vit toute seule avec sa maman qui a de lourds problèmes de santé mentale.

Elle va alors être recueillie dans une famille d’accueil extraordinaire dans le Nord de la France. Ses parents adoptifs, chrétiens engagés, ont pris soin d’une dizaine d’enfants avec des parcours de vie très douloureux : des enfants immigrés d’Afrique, d’Asie avec les boat people mais aussi des infirmes…

J’ai retenu de ce livre que c’est l’amour qui sauve quelqu’un, la tolérance ne suffit pas.

Retrouvez ici d’autres articles consacrés aux adolescents :

Thérapie de groupe, la série Sauveur et fils de Marie-Aude Murail, L’école des Loisirs

Youth Bible, Vivre sa foi chrétienne quand on est adolescent.

Cinéma·Sociologie

Invincible été, l’histoire d’un homme qui a décidé de mener la vie dure à la maladie de Charcot.

Hier soir, j’assistais au superbe ciné-débat organisé par mes collègues de l’Alliance biblique française. Le précédent ciné-débat était consacré à la justice restaurative avec la projection du film Je verrai toujours vos visages.

Invincible été est un témoignage qui retrace le parcours d‘Olivier Goy, un entrepreneur de talent dont la maladie de Charcot a été diagnostiquée en décembre 2023.

A travers un documentaire, Stéphanie Pillonca a mis en scène son message : Olivier est un combattant qui a décidé que sa maladie ne le priverait pas de son utilité publique ni de sa complicité avec sa famille.

Il ne peut plus diriger son entreprise comme il le souhaite alors il s’implique autrement : il photographie, il met en place une fondation pour la recherche pour que la maladie de Charcot soit guérie pour les générations futures… Avec une arme redoutable : l’humour.

J’appréhendais un peu d’aller voir ce film car le sujet est vraiment difficile : voir un père de famille emprisonné dans son corps par une maladie qui le condamne à court terme en le privant de la parole, en paralysant ses poumons et ses muscles, était insupportable pour moi.

Et pourtant, je suis sortie enrichie de cette séance de cinéma. Tout dépend de la manière dont on affronte les choses finalement. Comme j’aidais à accueillir les spectateurs dans l’équipe d’organisation, j’ai pu saluer Olivier. Il ne peut plus parler qu’avec une boite vocale mais il émanait de lui une telle présence à travers son regard et son sourire que c’était une très belle rencontre humaine. On réfléchit à ce que l’on va dire car la parole et l’écoute sont précieuses.

J’ai beaucoup aimé le propos d‘Annick Vanderlinden, théologienne et aumônière en hôpital. Elle participait au débat animé par Jean-Luc Gadreau, pasteur et critique de cinéma avec Stéphanie Pillonca et Olivier Goy. Elle découvrait le film en même temps que nous.

Elle a dit que certes le handicap amoindrissait quelqu’un physiquement mais qu’il enrichissait aussi notre humanité, notre relation aux autres. C’est le rôle du cinéma et j’ai découvert le travail de Stéphanie Pillonca.

Elle est sacrément douée pour les entretiens avec les membres de sa famille. Elle a fait le choix de ne pas tout montrer pour respecter la pudeur, la dignité d’une famille et ne pas tomber dans le sensationnalisme. Je manque de mots pour décrire l’amour que se portent la femme d’Olivier, Virginie, et ses deux fils Louis et Clément. Toute une famille a dû s’adapter à une nouvelle vie pour ne pas sombrer dans la tristesse.

La scène où Olivier est accompagné de son fils ainé pour rencontrer un autre père atteint de la maladie de Charcot et sa fille : Gilles et Malika Ménard est d’une rare intensité. Stéphanie Pillonca a voulu montrer le rôle difficile des aidants surtout quand ce sont de jeunes adultes.

Enfin, j’ai vraiment apprécié la conclusion du film : l’échange entre Delphine Horvilleur, rabbin et philosophe, auteure du livre Vivre avec nos morts, édité par Grasset. Sa manière d’évoquer le judaïsme en expliquant que nos fêlures, nos cassures, nous apprennent beaucoup sur nous même m’a beaucoup inspirée.

Invincible été est un magnifique documentaire avec un titre efficace. Il sera présenté au Japon et aux Etats-Unis. C’est un très beau film avec une esthétique d’une grande beauté entre Paris et la Normandie. Ce serait une bonne idée que ce film à petit budget soit récompensé aux prochains Césars.

Retrouvez ici mes précédentes chroniques de films sociétaux :

-Pupille ou le triomphe du collectif.

-Pourquoi Chamboultout m’a chamboulée