Biographies et autobiographies·Romans

A table avec les Kennedy, Albert Camus, Michel Gallimard en attendant les bons plats d’Andrée Imbert…

Cette semaine, j’ai dévoré en quelques jours le roman historique qui retrace le parcours d’Andrée Imbert, pupille de la Nation et cuisinière de la haute société française et américaine.

J’aime beaucoup les romans des éditions Les escales. J’avais lu auparavant Un dernier été et aussi Un été à Nantucket d‘Elin Hilderbrand qui évoque aussi un fait divers concernant le sénateur Ted Kennedy à Nantucket en 1969.

J’en profite pour remercier les éditions Les escales de m’avoir permis de lire ce nouveau roman en service de presse, sous format numérique. Gérard Collard, libraire de La griffe noire à Saint Maur les fossés décrit ce livre comme le roman de l’année et je suis bien d’accord avec lui.

La cuisinière des Kennedy, Valérie Paturaud, 350 pages, avril 2024, 21 euros.

Andrée a servi la famille Berliet à Lyon, des riches industriels qui ont une superbe villa Art nouveau, puis Albert Camus et Michel Gallimard à Paris mais aussi sur la Côte d’Azur. Après guerre, elle travaille pour une famille américaine très sympathique : les Rogers qui lui proposent de partir vivre en Amérique avec eux.

Andrée est tiraillée car elle a une fille Madeleine qui va par la suite devenir mère elle aussi. Mais n’écoutant que son coeur qui lui dicte de tenter sa chance, elle accepte de rejoindre les Etats-Unis. La suite de sa vie sera extraordinaire car elle va ensuite entrer au service de Joe et Rose Kennedy, amis proches des Rogers.

Inutile de présenter cette illustre famille qui va avoir une influence déterminante sur la politique aux Etats Unis entre 1950 et 1990. Andrée va intégrer cette famille secouée par des drames terribles en la cajolant par de bons plats français et en prenant soin des enfants de la famille comme si c’était les siens.

Cette famille saura lui montrer tout son amour et sa reconnaissance en lui donnant une généreuse rente à sa retraite et en se débrouillant pour fleurir sa tombe dans le petit cimetière d’un village drômois.

Mon avis sur ce roman historique :

J’ai énormément aimé ce roman très bien écrit par Valérie Paturaud. Il compte 352 pages mais ne parle de son départ chez les Kennedy qu’à partir des cent vingt pages du livre. C’est peu dire de son parcours déjà exceptionnel en France.

Andrée est un bébé abandonné qui ne connait pas ses parents quand elle nait en 1907 à Marseille. J’ai beaucoup aimé la description pour expliquer comment l’Etat s’occupait des enfants abandonnés au début du 20eme siècle. On se croirait dans le film Pupille de Jeanne Hery.

Je reconnais que j’ai sauté quelques chapitres de son enfance et son adolescence dans la campagne drômoise car je trouvais cela un peu longuet. Mais j’ai été captivée par ma lecture quand Andrée prend sa fille sous le bras pour quitter son mari un peu soulard et peu aventurier pour travailler dans un restaurant à Lyon.

Sa fille va vouloir retourner vivre à Venterol, dans sa campagne auprès de son père car ce qu’elle connait la rassure alors qu’Andrée veut vivre une grande aventure. Elle s’imagine fille de marin pour mieux expliquer ses aspirations.

L’intérêt de ce roman est de montrer le décalage culturel entre la France et les Etats dans les années 1950 à travers cette famille mythique qui fait rêver le monde entier dans les pages sur papier glacé de Paris-Match. Andrée ne peut s’empêcher de trouver sa fille mal fagotée quand elle côtoie les filles et les belles-filles de Rose Kennedy à Hyannis port.

Rose Kennedy est l’un des personnages principaux de ce roman avec le sénateur Ted Kennedy et aussi en filigrane, Joe le patriarche de la famille. Andrée voue à ses patrons une admiration et une reconnaissance sans bornes. Même si elle juge Rose Kennedy sacrément dure avec les écarts et les faiblesses de ses enfants quand ils devient du droit chemin de la religion.

C’est un roman totalement hagiographique avec la famille Kennedy. Valérie Paturaud ne parle pas des mauvais côtés de Joe Kennedy et de ses accointances avec la mafia. Cette biographie est romancée à partir des archives de la famille d’Andrée Imbert. Mais les lettres et les photographies le prouvent, une belle relation dépassant les rapports hiérarchiques s’est nouée entre la famille de Ted Kennedy et Andrée Imbert.

Le dernier chapitre où les enfants de Ted Kennedy rendent visite à leur ancienne nounou en France est très touchant. C’est un bon roman qui sera être une belle détente pour vous cet été. Il raconte le parcours d’une femme partie de rien qui a cru en ses rêves et en son talent.

J’ai été très touchée par le processus d’écriture de ce livre. L’auteure Valérie Paturaud habite dans le sud de la Drôme. Elle s’est retrouvée dans un diner d’amis avec de nouvelles connaissances dont une des convives qui lui a parlé d’une famille drômoise.

L’importance de conserver les photographies et les lettres pour se constituer une mémoire familiale
Les souvenirs de ma propre famille

Les petits-enfants d’Andrée Imbert lui ont confié tout un carton avec des photographies, des lettres qui ont constitué la matière première pour écrire cette biographie très romanesque.

Moi même, j’ai retrouvé grâce à mes parents ce printemps la carte de rationnement de ma grand-mère quand elle est partie avec sa famille sur les routes de l’exode en juin 1940 mais aussi ses photographies de jeunesse.

C’était très émouvant de découvrir ses aspirations quand elle avait vingt ans et de beaucoup m’y reconnaître : son goût pour les vêtements à la mode qui donnent de l’allure, aller à Trouville avec ses amis, vibrer pour la chanson française et être dans les endroits qui comptent.

Cette Andrée Imbert m’a beaucoup fait pensé à ma grand-mère Annette pour son envie de réussir et de fréquenter des endroits raffinés où le rêve est possible.

Andrée Imbert continue de nous enchanter avec son parcours extraordinaire.

Cathleen Clarity, une cheffe américaine a cuisiné la soixantaine de recettes d’Andrée réunissant le patrimoine culinaire de la Drôme, des bouchons lyonnais, de la Provence, de la Floride selon les lieux de villégiature de ses différents patrons : la Riviera française, Palm Beach, Hyannis Port…

La cuisinière des Kennedy, Cathleen Clarity, éditions Solar, 175 pages, 9782263192029, 29,90€

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Romans

Le bureau d’éclaircissement des destins, rendre justice après la Shoah

Le mois dernier, j’ai lu Une vie heureuse, un petit texte de Ginette Kolinka avec Marion Ruggieri, court mais dense. Les récits de déportation sont insoutenables. La cruauté gratuite des hommes me choque, me dégoûte et me décourage.

Mais la manière dont les déportés qui ont pourtant été humiliés au plus profond d’eux mêmes, trouvent la force de se relever et de chercher le bonheur mérite le respect inconditionnel.

Je suis toujours perplexe face aux demandes de lecteurs de la box littéraire Kube qui me demandent que des témoignages de déportés. Avec la lecture du roman Le bureau d’éclaircissement des destins, j’ai mieux compris.

Gaëlle Nohant est une plume reconnue dans le domaine du roman historique. Elle a écrit La part des flammes qui raconte un incendie au bazar de la Charité.

Si vous n’avez pas la patate ou la frite en ce moment, passez votre chemin. Ce livre est dérangeant mais utile, nécessaire même. Je vais être honnête, j’ai sauté de nombreux passages dans ma lecture tellement c’était insupportable.

Je savais à travers les cours d’histoire-géographie au lycée que des médecins qui ne méritaient même pas ce titre se sont livrés à des expériences médicales expérimentales sur des femmes juives en bonne santé.

Mais ce roman a cette force émotionnelle de montrer à quel point l’acte est abominable en convoquant les sentiments, l’ironie à travers des dialogues percutants et sans appel. Cette lecture m’a fait pensé à un autre roman historique, une lecture marquante pour moi l’an dernier : Hôtel Castellana.

Le médecin en question dit aux femmes qui ont été capturées : « Soyez sages mes petits lapins« . J’ai refermé le livre avec violence tant j’étais indignée par la déchéance totale d’humanité. Puis, j’ai repris ma lecture car les pages qui racontent l’après guerre avec ces procès historiques m’ont redonné espoir.

Ces bourreaux protégés par le système concentrationnaire n’ont pas eu ce luxe de pouvoir dormir sur leurs deux oreilles dans leur vieillesse. Ils ont été pourchassés jusqu’en Amérique latine pour répondre de leurs actes devant les tribunaux.

La lettre qu’adresse Elsie, une ancienne kapo à sa petite fille pour lui avouer son passé au sujet d’un très beau médaillon est poignant. C’est d’ailleurs le sujet de ce roman. A partir d’une enquête pour restituer des objets spoliés à des déportés, ce roman traite du lourd fardeau de la seconde guerre mondiale que l’on transmet aux générations suivantes.

Qu’ils aient eu des choses à se reprocher ou qu’ils étaient victimes, les personnages de ce livre doivent vivre avec ce traumatisme. Certains s’enfoncent dans le secret et le déni, d’autres osent affronter le passé comme ces frères et ses sœurs qui se rencontrent pour la première fois soixante ans plus tard dans le parc d’une maison de retraite.

L’héroïne de ce roman s’appelle Irène. Elle est enquêtrice au centre de documentation des persécutions nazies dans une petite ville d’Allemagne ayant un lourd passé SS. Elle raconte les jeux de pouvoir au sein de l’institution qui a compté ses brebis galeuses jouant double jeu.

C’est un roman fascinant qui ne cesse de faire des flash- back entre la seconde guerre mondiale, les années 1990 et l’automne 2016. Il parle d’Irène et de sa vie de famille compliquée. Elle a divorcé de son mari allemand à cause de son obsession pour la vérité dans sa belle-famille alors que tout n’était ni tout blanc ni tout noir dans leur passé.

Ce roman raconte ses tourments, ses errements, ses doutes mais aussi ses certitudes les plus sûres pour mener à bien cette vocation, qui est beaucoup plus envahissante qu’un simple métier alimentaire. J’ai beaucoup aimé l’aspect psychologique de ce livre. Il évoque à un moment, l’attentat terroriste contre un marché de Noël à Berlin auquel échappe son fils Hanno. La peur que ressent cette mère se télescope forcément à celles des mères pour leurs enfants dans les camps de concentration.

Ce n’était pas une lecture très joyeuse mais il en faut aussi parfois. C’était une bonne piqure de rappel pour ne jamais baisser les bras, ne jamais capituler face à la cruauté. Car malheureusement, l’Histoire se répète. En ce moment, des enfants ukrainiens sont kidnappés et déportés en Russie.

Je remercie les éditions Grasset pour l’envoi de ce livre en service de presse. J’aime beaucoup cette maison d’édition pour les textes forts qu’elle publie.

Romans

Millésime 54, un chouette petit roman qui cultive la nostalgie du Paris d’avant

Il ne faut jamais se fier à la longueur d’un livre. J’ai tendance à privilégier les gros pavés qui envoient du lourd pour un mois de lecture au moins…. et ça réduit drastiquement mes chances de lire un bon roman (je deviens ultra sélective).

Avec Millésime 54, je me suis accrochée à ma lecture même si je m’ennuyais au démarrage, ces quatre personnages étaient assez sympas donc j’ai poursuivi et j’ai bien fait. Ma lecture suivante dont je ne me souviens même plus du titre (une histoire de lettres en Espagne pour sauver la postière locale) , je ne lui ai pas laissée sa chance, abandon au bout de trente pages !

Le résumé :

Millésime 1954 raconte la rencontre entre quatre personnes que tout oppose mais qui vont devenir amis le temps d’une soirée à partager un verre d’un très bon vin. Hubert, le président du syndicat de copropriété invite deux propriétaires de son immeuble, Magalie et Julien tous deux célibataires à partager sa soirée. Ils l’ont aidé à se sortir d’un cambriolage rocambolesque de sa cave, soutenus par Bob, un Américain débrouillard mais fraîchement accueilli par Hubert. Il vient prendre possession d’un AirBnb, pratique peu appréciée par les Parisiens du quartier. Cette fameuse bouteille de vin les enverra tous les quatre en 1954, un voyage drôle et léger dans les couloirs du temps…

Mon avis :

C’est une histoire simple mais efficace comme un petit beurre à la sortie de l’école. Le ressort de ce roman, c’est la nostalgie du Paris des années 1950. Les anachronismes fonctionnent aussi bien que la comédie populaire Les Visiteurs (sans la visite au vieux mage dégarni). J’ai beaucoup aimé le chapitre où Hubert se rend au Ritz et trouve que la RATP a vraiment fait les choses en grand pour les journées du patrimoine.

Antoine Laurain est un écrivain brillant qui a su me divertir dans le métro avec des trouvailles géniales et des répliques très tendres : notamment quand Bob propose de partager ses dollars avec ses trois amis qui n’ont que des euros et qui ne pourront rien faire avec, en souvenir de La Fayette.

Avec ces quatre personnages, on rencontre Salvator Dali, Jacques Prévert et Robert Doisneau, Audrey Hepburn et le fondateur du Harry’s bar (adresse totalement inconnue alors que je passe dans ce quartier tous les jours), Edith Piaf et Jean Gabin… Ce n’est pas très plausible parfois mais on s’en fout, la magie de la nostalgie opère. Je me suis trouvée des points communs avec cette Magalie, toute émerveillée de se retrouver dans l’animation disparue des légendaires Halles de Paris. Ce roman est une magnifique déclaration d’amour à Paris, j’y ai appris des choses comme la fameuse langue inventée des métiers de bouche dans les Halles.

Ils vont partir tous les quatre à la campagne pour remonter les couloirs du temps en retrouvant le père la soucoupe, l’aïeul de Julien. C’est une histoire de doux dingue bien agréable à lire.

La force de ce livre repose sur l’amitié entre ces quatre personnages qui se connaissent peu et qui vont devenir de vrais amis en quelques jours. On ne passe pas 300 pages à d’étendre sur leur psychologie (même si on comprend vite certaines failles, joies et désillusions de leurs vies) mais on s’attache très vite à eux. Chacun va s’accommoder rapidement à ce voyage dans le temps complètement déstabilisant car il va les aider à donner un sens à leur vie. J’ai aimé particulièrement le personnage d’Hubert. On sent qu’il s’est enfermé dans une routine un peu ennuyeuse, sa femme semble faire peu de cas de lui.Il va s’attacher à Magalie et Julien ainsi qu’à Bob dans un véritable esprit de camaraderie et d’entraide.Il n’y a aucune réplique vacharde entre eux comme on peut les trouver dans des films : Bourvil et De Funès dans La grande vadrouille par ensemble.

Cette très belle camaraderie est très agréable à lire dans la scène de pêche miraculeuse qu’ils vivent ensemble à la campagne. Hubert comprend alors la beauté du moment et la vanité de sa vie d’administrateur immobilier régie par des avalanches de mails quotidiennes.

Avec mon mari, on s’est amusé à regarder des vidéos de l’ Ina qui interviewait des adolescents dans les années 1960. Force est de constater le fossé culturel et sociétal entre la manière de parler un peu gauche et l’aplomb d’aujourd’hui. Internet et les réseaux sociaux sont passés par là.

Ma note :

3

Ce petit roman a été une agréable surprise même si j’ai peu accroché à quelques moments qui me paraissaient peu plausibles. Je ne suis pas une passionnée des histoires de soucoupes volantes. Mais j’ai beaucoup aimé les anachronismes et la jolie nostalgie de ce roman. Le personnage de Bob l’Américain qui reconnait le Dieu des miracles dans la guérison de sa femme désespérée est un très joli moment du livre…

Cette veine nostalgique m’a convaincue de me lancer dans un projet d’une grande ampleur. Je vous avais parlé de mon carnet de coloriages de Paris, réalisé par Zoé de las Cases. Pour mes quinze années à Paris en septembre prochain, j’ai décidé de transformer ce carnet assez plat en un carnet de souvenirs avec des collages, des coloriages à l’aquarelle, aux feutres… pour compiler tous les coins de Paris que j’aime et ça sera une sacrée entreprise !

Alors, je colle des cartes géographiques de Paris, des cartes de visite, j’enrichie le carnet d’adresses de cette Zoé avec mes propres souvenirs. Voici un petit aperçu du démarrage de ce grand projet !