
Ce titre d’article peut paraître risible. Pourtant dans mon cas personnel, à l’approche de la quarantaine, le cheveu qui frisotte sur le haut de ma tête me sape le moral. J’avais entendu parler de cette BD grâce au compte Instagram de Mariel intitulé Le blog de Néroli.
Il est important de l’avoir en main cette BD car la fabrication granulée de la couverture qui reprend la texture d’une chevelure de femme est exceptionnelle.
Ceci n’est pas une autobiographie mais un vaste documentaire de 200 pages qui donne une voix à toutes les femmes qui ont des cheveux atypiques au vu de la norme occidentale qui glorifie le cheveu lisse et le brushing au cordeau.
Lou Lubie est réunionnaise. Elle vient de l’univers du jeu vidéo et elle a publié de nombreux livres et BD notamment Et à la fin ils meurent (Delcourt), un ouvrage de vulgarisation très documenté au ton humoristique sur les contes de fées traditionnels en 2021.
Le résumé :
On n’est jamais content de ses cheveux : Rose, qui a les cheveux crépus, rêve de les avoir lisses. Pour se conformer aux normes sociales, elle sera prête à tout, quitte à gommer son identité métissée. Entre enquête de société et récit de vie, une BD riche et touchante qui parle de sexisme, de racisme, d’héritage et d’acceptation de soi.
Racines, roman graphique de Lou Lubie, 216 pages, éditions Delcourt, parue en mai 2024, 25.50€
Je vous recommande ce roman graphique qui a reçu le Prix France Info BD d’actualité et de reportage entre autres. Le sujet du cheveu est bien moins futile qu’il n’ y parait. Il révèle toute une perception de la féminité et de la masculinité dominée par le cheveu lisse occidental.

Grâce à ce roman graphique, j’ai vraiment pris conscience de l’étroitesse d’esprit que j’ai par rapport à ma propre coiffure. Je rêve d’avoir tous les jours les cheveux lisses et soyeux depuis que ma fantastique coiffeuse Claudia m’a expliqué sa technique du brushing. J’ai eu une claque en lisant les mauvaises expériences de lissage racontées par Lou Lubie avec des produits chimiques fort agressifs pour le cuir chevelu. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Ce roman graphique m’a fait tout de suite penser au succès fulgurant de Kelly Massol qui a fondé sa marque Les secrets de Lolly pour les cheveux texturés. Mais aussi à la série Netflix Self-made avec Octavia Spencer qui raconte l’histoire vraie d’une femme noire, Madame CJ Walker, qui a fondé sa marque de cosmétiques aux Etats-Unis vers 1900.
Cheveux crépus et normes sociales : analyse de Racines
« Stress, complexes, dysmorphophobie, discriminations sociales et professionnelles, coût et risques sanitaires des produits utilisés pour se conformer à la dictature du cheveu lisse : le sujet de Racines n’a en dépit des apparences rien de léger et aborde nombre de thèmes (mode, normes, race, identité) au cœur des débats contemporains. Un écheveau dense et complexe que Lou Lubie a le talent de démêler, de rendre fluide, drôle et passionnant, même – et surtout – si l’on ne se sent pas a priori directement concerné ». Stéphane Jarno, Télérama
J’ai beaucoup aimé la polysémie du titre du livre Racines qui renvoie aussi à l’identité d’une personne, ses origines.
Ce roman graphique a aussi beaucoup renseigné mon ignorance sur les origines géographiques et les types de cheveux. Rose, le personnage de La Réunion a les cheveux bouclés et non crépus comme Axelle de Saint Cirel, la magnifique chanteuse lyrique des JO.
Ce printemps, une comédie marrante avec Kev Adams et Michael Youn est sortie sur les écrans : Certains l’aiment chauve. Ils ont fait sensation au dernier festival de Cannes en montant les marches de la Croisette en feignant la calvitie. C’était très bien joué étant donné le poids de l’apparence à cet évenement médiatique planétaire.
Compte tenu des drames que les réseaux sociaux suscitent : les greffes de barbes ou de cheveux que subissent les hommes chauves et qui tournent mal, un roman graphique consacré au cheveu masculin serait une idée en or !
Ce roman graphique confirme une certitude que je partageais ici dans un précédent article : les romans graphiques supplantent l’album de BD et l’essai de société. Il combine les deux genres avec beaucoup de réussite, avec une portée universelle !
