En juin dernier, j’ai eu la chance extraordinaire de pouvoir passer une journée à Roland Garros, le temple parisien du tennis international. Ce tournoi où se pressent les acteurs et autres influenceurs car c’est le lieu où il faut être vu au mois de mai à Paris.
Même Emily in Paris choisit Roland-Garros pour y tourner une scène de la série. D’ailleurs la mode sportive a une grande place à Roland-Garros avec les boutiques Lacoste, du nom d’un des trois mousquetaires du tennis des années 1930.

Et les jeunes touristes asiatiques et américaines portent des jupes plissées et des chaussettes de tennis à mi-mollets comme une célèbre Suzanne Lenglen.

Suzanne Lenglen était une tenniswoman qui a marqué son époque par son jeu audacieux mais aussi sa personnalité pugnace et téméraire et son sens de la mode alors que les Années folles battaient leur plein.
D’ailleurs à Roland Garros, j’ai été marquée par son empreinte légendaire un siècle plus tard. Il y avait d’ailleurs une grande statue d’elle devant le court qui porte son nom.Ses tenues ont même inspiré l’architecte du toit couvrant son court. En 2021, Dominique Perrault a imaginé un toit retractable suivant les volutes de ses jupes plissées imaginées par Jean Patou dans les années 1920.
C’est peu dire que Suzanne Lenglen est une personnalité iconique et ce beau roman graphique tombait à pic pour mieux connaître son histoire.
Suzanne, Tom Humberstone, Editions Ankama, 201 pages, 21.90€

Le résumé :
Bien avant de donner son nom au deuxième plus grand court de Roland-Garros, la joueuse de tennis Suzanne Lenglen fut une immense championne, peut-être la plus importante de l’histoire du sport féminin. Au-delà de son palmarès, « la Divine », comme elle était surnommée pour son style de ballerine et ses airs de diva, a révolutionné son époque et son sport, incarnant à la perfection l’énergie sans limite des Années folles.
Mon avis :
J’ai beaucoup aimé lire ce roman graphique très réussi. Il reconstitue avec brio l’intensité de matchs de tennis à très haut niveau. Tout au long de la lecture, on sent une tension permanente tant le rythme de narration est soutenu. Il est à l’image de la sportive qui a vécu une vie à 1000 kms/ heure. Peut être est-ce lié au fait qu’elle a terminé sa vie sur les rotules, terrassée à 39 ans par une leucémie foudroyante ? .

La force de ce roman graphique est de raconter l’ascension sportive d’une jeune femme persévérante qui a réussi à révolutionner un sport grâce à son jeu très énergique et gracieux. C’est une lecture très dense, je le redis. Elle nous plonge dans l’intensité d’un match de tennis au moment de la balle de match.
Ce type de narration est voulu et c’est très réussi. Ensuite le récit est divisé en cinq grands chapitres avec des sous titres bien utiles pour suivre la chronologie de la carrière de Suzanne . On constate bien que Suzanne a eu une relation un peu ambivalente avec son père qui est rapidement devenu son entraîneur. Cela semble être une constante dans le tennis : Richard Williams et ses filles Venus et Serena, le père de Mary Pierce, la mère de Martina Hingis …

J’ai beaucoup aimé ce roman graphique qui ravira les passionnés de tennis. Mais j’ai un peu regretté le manque de profondeur psychologique de cette BD. Les sentiments de Suzanne sont peu développés, on la présente comme une machine de guerre qui remporte trophée après trophée.
Peut être que c’est la réalité, une sportive qui met ses émotions dans sa poche pour bâtir une telle carrière sportive. J’ai aimé son style de jeu, ses tenues sportives tellement iconiques mais j’ai eu du mal à m’attacher aux personnages de l’histoire, Suzanne en tête.
La vraie valeur ajoutée de ce roman graphique est le beau dossier documentaire à la fin du livre avec photographies d’archives en noir et blanc ainsi que les gravures de mode de Jean Patou.
Il faut souligner que Suzanne Lenglen fut l’une des premières sportives à intégrer le star-system. Elle n’a pas seulement révolutionné le tennis, elle a aussi porté des tenues audacieuses et raffinées sur le court. Suzanne fut une ambassadrice de la mode française et cela compte !

C’est un très beau roman graphique qui nous plonge dans l’atmosphère tellement inspirante de la Belle époque puis des années folles. Le tennis était un sport de privilégiés qui se jouait dans de beaux endroits comme Wimereux, la French Riviera, Nice, Le Touquet.
De nombreux Anglais venaient profiter du soleil de la Côte d’Azur dans les années 1920. Qui sait peut être que les rentiers de Downton Abbey ont eu l’occasion de voir jouer Suzanne Lenglen à Wimbledon ? .
Retrouvez ici mes précédentes chroniques de BD et de romans graphiques ici :
–Dali avant les moustaches, un biopic surréaliste signé Julie Birmant et Clément Oubrerie
-Guernica, un plaidoyer pour la paix en BD, éditions La boite à bulles
–Dulcie, portrait en BD d’une militante anti-apartheid, éditions Futuropolis
