BD & romans graphiques

Spoiler alert, j’ai vidé la boite de mouchoirs avec la lecture de ces trois BD : émotion garantie

J’y suis allée un peu fort avec le titre de cette article. Le rôle de ces BD n’est pas de faire pleurer dans les chaumières. Ca, ça s’appelle le pathos, et nous sommes nombreux à détester ça. Mais la lecture sert à réfléchir, mais aussi à émouvoir.

Le point commun entre ces trois BD c’est le lien social, l’amour triomphant par la transmission du devoir de mémoire, l’adoption d’un enfant… L’amour du prochain résiste face aux guerres contemporaines, la déportation massive de tous ceux qui ne convenaient pas aux nazis dans les années 1940…

J’ai trouvé ces trois BD de qualité à la médiathèque de Fontenay sous Bois, ma ville, et j’en profite pour saluer le travail de ces pros des métiers du livre pour ces choix pertinents.

Retour à Birkenau, par Ginette Kolinka, dessiné par Efa, Cesc et Sole, écrit par JD Morvan et Victor Matet, Albin Michel, 112 pages, 21€90

La couverture de cette BD est vraiment splendide, elle résume à la perfection les flash backs permanents qui émaillent ce récit de déportation. Il est difficilement soutenable mais avec la douceur et l’humanité de Ginette, 99 ans qui transmet son histoire à des collégiens, on reprends courage pour oser dire non à la sauvagerie et au tyrannisme.

J’ai une tendresse particulière pour cette petite dame dont il émane une force de caractère exemplaire sur les plateaux de télévision où elle vient parler de ses livres. La dernière émission en date : Les rencontres du papotin sur France 2 m’a émue aux larmes. D’ailleurs la bande dessinée se termine de la même manière. Avec une chanson de Téléphone, Un autre monde car son fils Richard est le batteur de ce groupe emblématique.

L’adoption, tome 1 : Wadji et tome 2 : Les repentirs, Zidrou et Monin, éditions Grand angle

Je n’ai pas encore décidé si je lirai les trois autres volumes de cette série sur différentes adoptions d’enfants du monde. Mais il est sûr que l’histoire de Wadji, petit yéménite de dix ans et de sa famille adoptive à Nantes m’a beaucoup parlé.

J’ai fermé le premier tome un peu révoltée par ma lecture face à ce gâchis relationnel, fait d’incompréhensions à cause de la guerre qui détruit tout sur son passage.

Une phrase de l’éditeur résume vraiment très bien l’histoire : quand on a connu le pire, il faut un peu de temps pour s’habituer au meilleur.

« Jusqu’à présent, sa mère s’appelait « Guerre » et son père « Exil ». Maintenant, ils ont pour nom « trahison » et « abandon » « . C’est ainsi que commence le tome 2 : Les repentirs. Je ne vais pas vous raconter l’intrigue mais j’ai été vraiment très touchée par l’amour que déploie cette famille adoptive pour un petit garçon qu’elle connait à peine et qui a du mal à s’attacher à eux.

Il y a toute une galerie de personnages qui vont s’entraider pour retrouver ce petit gosse fugueur qui ne sait pas qu’il est aimé. C’est une histoire qui valorise le courage qu’on va chercher au plus profond de soi pour les siens et j’ai pleuré bien évidemment !.

Je suis une grande fan des BD scénarisées par Zidrou notamment la série Les beaux étés avec cette famille belge qui descend dans le Sud de la France chaque été sur une décennie.

Je vous recommande les albums des maisons d’édition Dargaud et Grand angle. Pour moi, ce sont les meilleurs dans le domaine.

Retrouvez ici d’autres chroniques de BD du blog Le bal littéraire des sardines :

-Jamais , lutter contre l’érosion des souvenirs

Guernica, un plaidoyer contre la guerre en BD

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Le roman graphique au service de l’autobiographie : le combo gagnant !

Samedi dernier , je suis allée à la librairie Le genre urbain à Belleville après mon atelier Dessiner la Bible. J’ai craqué pour deux chouettes romans graphiques assez médiatiques : Papa Situations de Karim Mahfouf, éditions Dupuis et Les strates de Pénélope Bagieu, éditions Gallimard.

Les deux albums étaient bons car authentiques : miser sur l’autobiographie, c’est toujours gagnant selon moi. Mais j’ai bien mieux accroché avec les histoires de Papa situations, finalement !

Papa situations, Karim Mahfouf, Dupuis, 15€

J’ai eu un vrai a-priori au départ : voila le produit dérivé de la chaîne Youtube de Léna Situations, Léna et son père Karim nous prennent pour des pigeons. Mais j’avais lu une longue interview de Lena dans Elle, puis je les ai vu dans l’émission Clique de Mouloud Achour sur Canal+. Je les ai trouvé touchants dans la fameuse rubrique Dos à dos de Catherine Ceylac et j’ai beaucoup aimé cette BD.

Tous les membres de la famille de Léna qu’elle met en scène dans ses vlogs sont sympas car ils sont authentiques : son frère Neyl, son père Karim, son chéri Seb la Frite avec qui elle a escaladé le Kilimandjaro récemment, ses copains Solène, Marcus et Maya… Je me régale à regarder leurs aventures le dimanche soir et ils ne m’ennuient jamais.

Je pense que c’est la recette pour durer dans cette vaste jungle qu’est Youtube : être vrai. Youtube, c’est d’ailleurs le thème de cette BD amusante et attendrissante. Ce sont les dessins de l’auteur, ce n’est pas du tout mon style graphique d’habitude mais comme je connais la chaîne Léna Situations, je me suis régalée à la lire.

Ses dessins respirent l’amour et la fierté d’un père pour ses enfants, pas seulement pour sa fille célèbre. Il mise sur le fossé générationnel creusé par les nouvelles technologies entre les enfants et leurs parents. C’est très malin car c’est ce décalage qui me plait quand je suis leurs aventures familiales.

La manière dont il aide sa fille à bricoler ou qu’il participe avec bonne humeur à ses projets de vidéos est très touchant. Karim apporte même une sacrée valeur ajoutée aux vidéos de sa fille regardées en majorité par des millenials. C’est d’ailleurs, ce qui fait la réussite de cet album : la transmission générationnelle.

Droits réservés Karim Mahfouf

Car avant d’être le père de Léna Situations, Karim Mahfouf est un marionnettiste talentueux de la compagnie des Trois chardons . Mais aussi un ancien dessinateur de presse qui a fui son pays, l’Algérie dans les années 1990. Le confinement de mars 2020 a mis en lumière ses talents pour croquer une société qui a considérablement changé depuis cette pandémie. Le changement de regard sur le travail des caissières est une très bonne chose.

J’ai eu un vrai coup de coeur pour cette BD même si je ne suis pas fan du dessin et qu’elle copie un peu trop les codes de la chaîne Youtube de sa fille Léna. Karim Mahfouf est un artiste intéressant et un papa intelligent qui sait valoriser ses enfants et se mettre à leur portée en ne méprisant pas leur univers. C’est une chronique bien difficile à faire alors je vous encourage à lire le livre !.

Ce qui est comique, c’est qu’à mon bureau, nous avons bien une dizaine d’années d’écart et nous venons de milieux différents mais Léna Situations fait l’unanimité à table au déjeuner le midi.

Dans un autre genre mais toujours aussi autobiographique et médiatisé, Les strates de Pénélope Bagieu, éditions Gallimard.

Toutes les blogueuses que je suis sur Instagram ont lu ce roman graphique dessiné en noir et blanc. Penelope Bagieu est sans doute la dessinatrice de BD la plus influente sur les réseaux sociaux français actuellement.

Je suis épatée par l’ampleur de sa production : une BD par an depuis bientôt quinze ans. Je n’ai pas tout lu ni tout aimé mais je porte attention à ce qu’elle publie car elle a un vrai talent pour l’autobiographie.

Côté fabrication, ce livre en simili cuir façon carnet Moleskine vaut largement son prix : 22€. C’est un très bon choix éditorial car c’est un véritable journal intime d’une enfant des années 1980.

Droits réservés Pénélope Bagieu

Il réunit une douzaine d’anecdotes de la vie de Pénélope enfant ou adolescente sans ordre chronologique précis : les strates de souvenirs. La presse a surtout relevé qu’elle raconte dans une des planches des agressions sexuelles qu’elle a pu vivre lors de ses premiers émois sexuels.

Ce n’est pas joyeux joyeux comme album mais c’est à l’image de ce que vivent les jeunes filles modernes dans une société contemporaine où les repères moraux sont considérés comme rabat-joies et ringardes. Dans une société post soixante-huitarde, pas facile de verbaliser le consentement et de dompter ses pulsions dans des relations intimes désincarnées et déshumanisées.

Je ne regrette pas d’avoir lu Les strates, la réflexion et l’introspection étaient intéressantes. Mais je préfère de loin, Ma vie est tout à fait fascinante ou encore la série Joséphine adaptée au cinéma par Marilou Berry. Avec ses deux films, j’ai passé deux très bons moments de cinéma. Et, j’ai bien envie d’aller acheter rapidos le coffret des Culottées pour ma bibliothèque.

© Simoné Eusebio

Pour finir, Pénélope Bagieu a marqué mon mois de décembre puisque j’ai acheté avec empressement le calendrier de l’Avent A la mère de famille et je me suis régalée ! L’immeuble haussmannien avec ses sucreries variées et originales a bien égayé mon mois de décembre éprouvant.

Retrouvez ici mes meilleurs articles qui chroniquent des romans graphiques :

Le monde au balcon, quand Sophie Lambda raconte le grand confinement de 2020

Janvier rime avec BD : La BD au féminin

BD & romans graphiques

Février rime avec BD : Udama chez ces gens-là

J’ai découvert les éditions La boite à bulles grâce à une émission de France Inter consacrée au roman graphique John Bost, un précurseur.

COUV_JOHN-BOST-e1488888620802Ensuite, j’ai eu la chance d’interviewer les deux auteurs du livre : Vincent Henry et Bruno Loth au salon du roman historique de Levallois-Perret (une chouette manifestation culturelle gratuite).

C’était un bon sujet et un bon souvenir éditorial : la première fois que j’étais citée dans une revue de presse. Depuis, ce formidable roman graphique a obtenu le prix de la BD chrétienne d’Angoulême 2017. Voici le lien vers cette chronique ici

La ligne éditoriale de la Boite à bulles me plait pour son traitement subtil des questions contemporaines avec psychologie et surtout du beau dessin. Ce sont mes trois critères principaux pour dévorer un roman graphique.

Udama chez ces gens-là – Zelba

La boite à bulles – 2017

104 pages – 20€

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Celui-ci, je l’ai lu d’une traite. Pendant mes études, j’ai été baby-sitter, j’ai fréquenté quelques fois les squares de l’Ouest parisien. Et j’entendais ces conversations de nounous immigrées qui se racontaient entre elles les tactiques de leurs employeuses pour ne pas les déclarer.

Le résumé : 

Udama est une superbe et jeune mère célibataire africaine. Sans diplôme et ayant une famille à nourrir au fin fond de la banlieue parisienne, elle accepte de se charger de toutes les tâches que sa patronne préfère payer que de faire…

Ce couple parisien sans espérance, habite dans un immeuble cossu du 16eme arrondissement avec des masques africains comme déco (ce n’était pas ma partie préférée de la lecture, l’ombre dérangeante de ces masques). Ils ont tout matériellement mais il leur manque la tendresse, l’entraide, l’amour…. et ainsi tout va dérailler dans cet appartement.

« Si je n’ai pas l’amour, je ne suis qu’une cymbale qui résonne «  1 Corinthiens 13.

Mon avis :

Cet album n’est pas un pamphlet qui dénonce l’exploitation des travailleurs pauvres par les bourgeois. Le titre de ce livre est très efficace : il dénonce le racisme à double sens. On se caricature réciproquement : les bourgeois n’ont pas de cœur : ils sont sans foi, ni loi,  la nounou africaine aura des drôles de coutumes dont elle va contaminer leur petite fille….

Mais la xénophobie, l’exploitation sociale n’est qu’une partie du sujet de ce roman graphique : il parle aussi de la souffrance d’un couple qui n’ arrive pas à se retrouver à la naissance de son enfant, la pression sociale et professionnelle sur les jeunes mères, le baby blues…

Personne n’est tout blanc dans cette histoire : ni Udama qui va trahir une autre nounou par nécessité, ni Hervé, le mari délaissé. Même Claire, la mère carriériste et dirigiste nous émeut.

« J’aurai jamais pensé que des femmes pouvaient en payer d’autres pour ne pas avoir à faire l’amour avec leur mari« .

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Copyright Zelba- La boite à bulles

 

Cette vie de dure labeur que mène Udama est la réalité de milliers de femmes qui font le ménage dans des hôtels dans des conditions inacceptables car elles n’ont pas le choix  elles font la toilette des personnes âgées dans les maisons de retraite ou à domicile. On leur confie l’intime, les tâches ingrates que d’autres ne voudraient pas faire tout en leur rappelant bien qu’elles sont tout en bas de l’ascenseur social.

Or, dans cette histoire, c’est le dominé qui devient dominant. Cette histoire finit bien pour tout le monde : chacun des personnages a eu assez d’intelligence pour garder la tête haute et faire les bons choix pour sauver son équilibre. Et sans vouloir vous spoiler la fin, le seul homme de l’histoire a évité de justesse l’étiquette misandre #Balance ton porc. 

Ma note :

5/5 sardines

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Je vais retenir le nom de Zelba, cette scénariste et dessinatrice d’origine allemande. Elle a signé un très beau roman graphique qui rend hommage à toutes ces femmes qui travaillent dur et subissent une pression sociale qu’elles soient cadres supérieures ou techniciennes de surface. La subtilité psychologique avec laquelle elle dessine les traits de ses personnages, m ‘incitent à surveiller ses prochains livres avec plaisir et curiosité !