Littérature jeunesse

Opération policière et littéraire en cours au Havre

Ce printemps, j’ai eu la chance d’échanger quelques mots avec Marie-Aude Murail, l’une de mes auteures favorites au festival du livre de Paris. En attendant impatiemment la sortie du tome 7 de Sauveur et fils, j’ai découvert une belle trilogie écrite avec son frère Lorris (malheureusement décédé depuis) pendant les confinements de 2020 et 2021.

Angie !, Souviens-toi de septembre et L’hôtel du pourquoi pas se déroulent au Havre, la ville natale des auteurs.

Chaque tome raconte une enquête policière menée par un trio de choc : Augustin Maupetit, commissaire beau gosse de la brigade des stupéfiants, Angie sa petite voisine de quinze ans et surtout Capitaine dite Capi, le berger allemand qui renifle les containers du port pour faire tomber les trafiquants de drogue du port.

C’est une trilogie ultra contemporaine qui se déroule pendant le grand confinement, celui du printemps 2020. La France était sidérée, éloignée de ses repères. Les policiers, les infirmières à domicile continuaient de travailler tout comme les acteurs d’une économie parallèle bien connue au Havre : la drogue. Avec de l’argent facile, on corrompt les dockers pour qu’ils mettent à l’abri de la douane un container.

Ces romans racontent avec talent la lutte des classes : la bourgeoisie havraise qui vit dans les villas sur les hauteurs comme dans un tableau de Monet à Sainte-Adresse et les prolos qui vivent dans les quartiers pauvres.

Ils ne cohabitent pas mais travaillent ensemble et parfois cela vire au drame. J’aime énormément comment la plume de Lorris et Marie-Aude Murail sonde les tourments de l’âme de certains personnages : Yoann Sitbon, l’héritier malheureux, Manon Lecoq, la juge d’instruction peu sûre d’elle…

Avec ses enquêtes policières, Augustin Maupetit secoue les non-dits, les regrets, la nostalgie du passé. Il est l’opposé même du gentil Karadec, le commissaire de HPI. C’est un ours bourru, très maladroit et pourtant toutes les jeunes femmes de la trilogie sont amoureuses de lui.

C’est lui le libérateur, celui qui détient les clés pour délier les vies personnelles des uns et des autres. Sa rivalité naissante avec Xavier Sitbon, le père d’Angie est savoureuse à lire tant elle est subtile.

Vilac propose des containers en bois comme jouets pour enfants

La seule qui lui tient tête est sa tante Thérèse, un personnage haut en couleurs qui apporte beaucoup à l’intrigue. Dommage qu’elle ne laisse pas son pendule à la maison car l’occultisme fait beaucoup plus de ravages qu’il ne solutionne les problèmes. Voila c’est dit !

La force de cette trilogie est d’être une œuvre ultracontemporaine qui réveille nos souvenirs communs les plus récents alors que l’on cherche à les éloigner le plus possible.

Je m’explique, les Murail ont su mettre des mots sur cette période de confinement très étrange que nous avons vécu. Marie-Aude Murail l’explique d’ailleurs très bien dans cette vidéo, interviewée par les libraires de Mollat, célèbre librairie bordelaise…

J’ai lu ces deux gros pavés en cinq jours, montre en main. J’adore commencer un bon livre dans le train, c’est synonyme de vacances et d’évasion.

D’ailleurs, c’est drôle mais je travaille en contact permanent avec le port du Havre pour importer et exporter les livres de ma maison d’éditions. J’attends l’arrivée des containers qui viennent des quatre coins du globe : Oslo, Shanghaï, Anvers

J’ai découvert un univers que je ne connaissais pas et qui me passionne. L’an dernier, j’avais écrit un article sur le Canal de Suez quand un container rempli de PQ s’était mis en travers du canal et avait provoqué un énorme bouchon à l’échelle mondiale…

Puis début juin, nous sommes allés visiter Marseille, le port de la Joliette et ses docks historiques

Une trilogie qui me donne bien envie d’aller découvrir Le Havre.

Je connais un peu Fécamp, Etretat, ses valleuses et le pays cauchois cher à Maurice Leblanc, le créateur d’Arsène Lupin. Mais je ne suis jamais allée au Havre alors que mes grands-parents de Dieppe m’ont transmis une passion pour la Seine-Maritime.

Depuis, j’ai vu un magnifique reportage de Des racines et des ailes sur l’église construite par Auguste Perret. Ils font une pub du tonnerre en ce moment sur les bus dans Paris.

Enfin, L’école des loisirs pense aux adultes avec cette collection M+

Quoi qu’on en dise, cette trilogie est destinée aux jeunes adultes vers 17 ans et non aux enfants. Les faits divers qui sont décrits sont assez hardcore et choquants par leur réalisme : la mutilation de cadavre d’un jeune trafiquant, le démembrement d’une infirmière qui fait du chantage dans un four, la jeune fille qui a failli mourir de soif dans un container en partance vers la Colombie…

J’étais un peu poule mouillée sur les bords à ne jamais lire de polar, ni de thriller mais je me mets aux enquêtes policières depuis que j’ai eu un coup de cœur pour la série HPI.

L’amateurisme relatif de Morgane me fait beaucoup pensé à la fraîcheur intellectuelle d’Angie !

Je vous recommande les romans young adult de l’Ecole des loisirs pour leur qualité éditoriale, souvent la littérature jeunesse me régale bien mieux qu’un mauvais feel good à succès. Je vous signale au passage l’article de qualité du Point sur la famille Murail, écrivains à succès.

J’attends avec impatience la sortie de Sauveur et fils, tome 7 au printemps 2023. Je vais donc patienter avec L’hôtel du pourquoi pas pour clore cette trilogie havraise cet été sur la plage en Bulgarie, sur liseuse Kobo, une première…

Retrouvez-ici mes derniers articles qui parlent d’enquêtes policières, de villes portuaires et de la Seine Maritime…

-HPI, une série TFI qui mise sur la finesse psychologique

-Road trip à Massilia la belle début juin

-Passion Seine Maritime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.